
Contes, poèmes et scènes de genre
Public ados (à partir de 12 ans) / adultes
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Ecriture et interprétation Delphine Garczynska
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Création soutenue par le dispositif régional « Hélice » (parcours d’accompagnement artistique) porté par La Maison du Conte, le Théâtre des Sources, le festival « Rumeurs Urbaines », par Le Moulin du Marais/Union régionale des foyers ruraux de Poitou-Charentes, par Le Nombril du Monde/La Petite Chartreuse
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« Je ne suis pas une jeune fille en fleurs que tu peux cueillir quand bon te semble et effeuiller selon ton gré.
Je ne suis pas mes lèvres rouges, ni mon talon aiguille, ni aucune pantoufle de verre.
Je ne suis pas non plus une fée des eaux ou une fée du logis,
pourvoyeuse de chance, de destinée, de bonnes idées et de confort,
ni gardienne du feu, ni gardeuse d’oie ou d’une quelconque lignée.
Je ne suis pas un phénomène météorologique et je me contrefous de la lune.
Je ne suis pas un cadeau, ni un objet perdu.
Je suis comme toi mon frère, je suis à inventer. »
Intention : des récits pour interroger les notions de « féminin » et de « masculin » et leurs représentations
Femme, fille, sœur, mère, épouse, mais aussi comédienne et conteuse, je suis, depuis ces différentes postures, témoin, parfois actrice, d’une profonde mutation à l’égard des notions de genre, qui bouleverse les sociétés patriarcales. Là où le genre déterminait des fonctions sociales et domestiques, des aptitudes physiques et psychiques, le droit et les discours nous laissent libres aujourd’hui, en France, d’investir ces fonctions et ces aptitudes selon des critères personnels. Le genre devient une notion modulable, un territoire à explorer, une identité à inventer.
Mais je constate aussi – et je parle depuis plusieurs endroits : mes propres déterminismes inconscients, le milieu rural où je vis, notre culture consumériste qui entretient les clichés sexistes – je constate qu’on n’investit pas cette liberté de s’inventer au même degré selon les milieux sociaux, les cultures et les générations, parce qu’on ne sait pas, parce qu’on ne veut pas, ou parce qu’on ne peut pas tant les obstacles internes et externes sont nombreux.
Dans ce contexte où fonctions et aptitudes sont de plus en plus détachées du corps, que signifient « féminin » et « masculin » ? Si nous devions d’abord définir ce que désignent ces mots puis leur trouver d’autres appellations qui ne connoteraient pas le genre, quels seraient ces mots ? Si nous devions trouver des représentations pour les signifier, rêver de nouveaux archétypes, quelles images naîtraient sous nos paupières créatives ? Pour investir pleinement la liberté qui nous est offerte dans l’exploration de soi, pour desserrer les fils de nos destinées, pour que l’égalité entre les femmes et les hommes soit tangible non seulement dans le droit mais aussi dans nos vies intimes – et peut-être devrions-nous parler ici de fraternité (ou d’adelphité) plutôt que d’égalité – l’enjeu n’est-il pas de réinvestir profondément l’imaginaire et les représentations de genre pour permettre à chacun, dans les plis secrets de son inconscient, de se découvrir autre, animé, traversé par un souffle nouveau, libérateur, qui le complète ?
A travers deux récits – un conte amérindien que j’ai nommé La femme double et un conte représenté dans le monde entier sous le titre générique La petite fille qui cherche ses frères – mais aussi en faisant entendre des poèmes à la première personne, reflets du regard que je porte sur les motifs de ces contes, Un voyage en hiver raconte ces prises de conscience à l’égard des notions de genre, s’en détache et se joue des clichés et des représentations. Si le premier conte pose la question du choix du destin individuel dans un contexte où les destinées sont encore prédéterminées par le genre, le deuxième conte propose un chemin pour rapatrier en soi – quel que soit son sexe – toutes les facultés de l’âme et du corps que les distinctions de genre ont trop longtemps exilées.
Delphine Garczynska
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» Lorsque j’étais enfant encore et que mon corps en hiver se levait péniblement,
je regardais mes os prendre des formes étranges et regrettais souvent,
dans ma chambre bien rangée,
mes cheveux d’avant empêtrés de batailles,
leurs boucles et mes vêtements si mal ajustés,
et dans ma chambre d’hiver au soir trop bien rangée,
je me sentais peuplée de sèves inversées en pensant aux cerises que la bise bien rangée ne ramènera plus,
ni leur jus tachant le col des chemises,
ni la chair des noyaux que d’invisibles oiseaux s’amusent à déchiqueter dans le soir et la brise. »